Alexandre Song a rendu hommage à Landry Nguemo au cours de ses obsèques le samedi dernier dans la ville de Dschang. Dans un témoignage poignant, il est revenu sur les moments partagés avec le défunt, les souvenirs inoubliables et leurs projets communs qui ne verront jamais le jour.
Tous vêtus de noir, les populations de la ville de Dschang se sont jointes à la famille et aux collègues de Landry Nguemo pour lui faire des adieux. C’était un moment de tristesse, à la place des Fêtes de la ville où est né l’ancien milieu des Lions Indomptables. Impossible de retenir les larmes au simple coup d’œil sur le cercueil de celui qui avait des ambitions de voir ses petits-enfants grandir. Mais hélas, la faucheuse l’a emporté le 27 juin dernier sur l’axe Yaoundé-Bafoussam, emportant avec elle l’un des moments marquants du football camerounais.
Sorti de chez lui ce 27 juin, l’ancien joueur de Nancy en France était plein d’ambition. Ses œuvres dans la ville de Bafoussam en disent long. Après avoir mis un terme à sa carrière de footballeur, Nguemo s’est lancé dans d’autres secteurs d’activité pour assurer son avenir et celui de sa famille. Il a été stoppé net à 38 ans alors qu’il avait commencé une œuvre dont il assurait l’évolution. Son décès des suites d’un accident de la circulation est un coup de poignard non seulement pour ses proches, mais aussi pour la communauté du football camerounais. Va et repose en paix, champion !
Lors des obsèques de Landry Nguemo, ancien milieu de terrain des Lions Indomptables du Cameroun, un moment d’émotion intense a été partagé par Alexandre Song, son ancien coéquipier et ami proche. Une amitié indéfectible, une perte irréparable. De leur rencontre sur les terrains de football à leur complicité hors du terrain, Alexandre Song a peint un portrait émouvant de son ami et frère de cœur.
Le témoignage de Song a profondément touché tous les présents, rendant hommage à un homme dont l’héritage de camaraderie et d’humilité restera gravé dans les mémoires. Alexandre Song a commencé par évoquer leur première rencontre en 2001, alors qu’ils étaient encore de jeunes joueurs en quête de reconnaissance. Sur le terrain, Nguemo se distinguait déjà par son talent, au point de susciter la curiosité de Song. « C’est qui ce garçon ? » se demandait-il, avant de découvrir que ce jeune talent était non seulement camerounais comme lui, mais qu’il deviendrait aussi un frère d’armes et un ami fidèle. Cette rivalité amicale a rapidement évolué en une relation fraternelle qu’ils ont affectueusement surnommée “la miff”.
Ci dessous le témoignage d’Alexandre Song
« Bonjour les autorités, bonjour les chefs traditionnels, bonjour chers invités.
Je ne devrais pas être devant vous en parlant de mon frère au passé. Landry et moi, notre histoire a mal commencé. On se connaît depuis 2001. On était très jeunes. On jouait au milieu de terrain dans des clubs différents.
On se croisait sur le terrain et il me mettait des difficultés.
Je me disais toujours : « C’est qui ce garçon ? » À la fin du match, j’allais vers lui et il me dit qu’il est camerounais.
Je lui dis alors : « C’est mon frère camerounais qui me met des difficultés sur le terrain comme ça, il aurait dû me laisser passer. »
Il me répond : « Non, je ne peux pas te laisser passer. Après, on va s’arranger. »
Depuis ce jour, nous avons commencé à nous appeler « la miff ». Deux ans plus tard, nous avons participé à la CAN cadet et nous avons gagné.
Landry était quelqu’un de très humble, à l’écoute de tout le monde.
Il était toujours un rassembleur.
Celui qui savait me guider. Ceux qui me connaissent savent que j’ai un tempérament difficile et c’était lui seul qui savait me calmer.
C’était le seul qui me connaissait le mieux que tous les autres.
Ce que je ressens aujourd’hui, je n’ai même pas les mots. Je ne peux pas parler de lui au passé parce que ce que nous avons vécu n’a pas de prix. Parfois, on restait au téléphone de 20h à 2h et nos épouses étaient jalouses.
Je suis venu à Dschang et je ne suis jamais arrivé ici. Mon frère m’a dit : « Je veux faire quelque chose pour la population de mon village, on avait un projet. » Ce n’est pas comme ça qu’on devait se voir ici aujourd’hui. Il devait être là pour présenter ce qu’il voulait présenter à sa population et moi je serais derrière lui, mais malheureusement je viens devant vous aujourd’hui sans mon frère.
La dernière fois qu’on s’est vu, il était chez moi et il est resté dix jours. Et comme j’ai dit à sa femme, elle peut venir chez moi parce que Landry avait une chambre chez moi. Que je sois là ou pas quand il arrive, on lui donne la clé de la maison.
Nous avons partagé tellement de choses ensemble que si je commence à parler de lui, on ne va pas terminer cette cérémonie.
La seule chose que je peux dire à mon frère, c’est que ce que tu m’as fait n’a pas de prix.
Ce jour-là, on devait se voir, mais quand il m’a appelé, le réseau était mauvais. Je lui ai dit : « Dès que tu arrives, tu me fais signe. »
Makoun m’appelle quelques heures plus tard et il me dit : « Landry a eu un accident. » Je prends mon téléphone, j’appelle mon frère, ça ne passe pas. J’essaie un autre numéro, c’est le morguier qui décroche et me dit : « Landry n’est plus là. » Je prends mon véhicule pour l’hôpital.
Quand j’arrive, je le vois allongé, je dis : « La miff » et il ne me répond pas.
Je le regarde, il ne parle pas, je dis : « La miff, tu ne verras plus tout ce qu’on a produit ensemble, tout ce qu’on a construit ensemble, on n’avait pas d’enfants, on a grandi en élevant nos enfants ensemble, on jouait au même poste ensemble.
Ce que j’ai dans le cœur n’a pas de prix par rapport à lui, je n’ai pas besoin de trop parler.
Il est parti et je n’ai pas de force. Il va manquer à sa femme et ses enfants parce que je sais l’importance qu’ils avaient à ses yeux.
Il m’a dit : Je vais voyager pour aller voir mes enfants et ma femme. » Ça fait dix mois qu’on ne s’est pas vu. »