Cameroun – Portrait : Jeune Afrique présente Jean-Claude Ayem Mauger, le « Monsieur Economie » de Paul Biya

Jean-Claude Ayem MogerJean-Claude Ayem Moger

Jean-Claude Ayem Moger

Dans un article publié sur son site Internet ce 25 Novembre 2022, le news magazine panafricain raconte le parcours de l’ancien opposant au régime devenu un des hommes de confiance du président camerounais.

Jean-Claude Ayem Moger, l’homme qui parle à l’oreille de Paul Biya. C’est ce discret conseiller technique à la présidence de la République du Cameroun que Jeune Afrique présente à ses abonnés ce 25 Novembre 2022 sur son site internet jeuneafrique.com. Le journal conte l’histoire atypique de celui qui depuis 20 ans s’occupe des grands dossiers économiques du pays.

Fils de préfet, mais étudiant contestataire, le presque septuagénaire va rejoindre en France  le Manifeste national pour l’instauration de la démocratie (Manidem), mouvement lancé par l’Union des populations du Cameroun (UPC) en 1974. Revenu travailler au pays, le jeune universitaire persiste dans cette voie, soutenant même de façon discrète les étudiants en colère au début de la décennie 1991. Jean-Marie Atangana Mebara dont il se rapprochera plus tard va l’emmener dans ses valises partout où il ira.

On le retrouve ainsi au ministère de l’ancien enseignement supérieur, puis au secrétariat général de la présidence de la République. Lorsque son protecteur tombe en disgrâce et se fait emprisonner, Ayem n’est pas inquiété.  « En 2008, alors que l’ancien secrétaire général Mebara est rattrapé par l’opération anti-corruption Épervier, son ex-protégé n’est pas atteint par la déflagration. Mieux, l’influence du fils de préfet grandit entre les murs d’Etoudi, alors que Martin Belinga Eboutou – Bulu comme lui – prend les rênes du cabinet civil en 2009. « Ils se sont très vite appréciés. C’est Martin Belinga Eboutou qui va achever de l’imposer dans l’entourage proche du chef de l’État », poursuit notre source », lit-on dans l’article de Jeune Afrique.

Le journal parisien a appris d’un proche du conseiller économique de Paul Biya que c’est grâce à ses amitiés qu’il demeure dans le sein des saints.  « Ayem n’est pas quelqu’un du sérail, au sens politique du terme. Ses amitiés lui ont néanmoins permis de s’imposer. Sans elles, même s’il est compétent sur ses dossiers, il n’aurait pas obtenu la même influence », cite notre confrère.

 Voici l’article publié par Jeune Afrique

  Cameroun : Jean-Claude Ayem et Paul Biya, la confiance qui valait des milliards

Des chantiers de la CAN aux avions de la Camair-Co, celui qui s’est imposé depuis deux décennies comme un incontournable au sein de la présidence pilote aujourd’hui les dossiers les plus sensibles en tant que conseiller technique du chef de l’État. Portrait d’un intouchable.

Par Mathieu Olivier (Jeune Afrique)

Chaque midi ou presque, l’ancien professeur d’université se plie au même rituel. Jean-Claude Ayem quitte le bureau qu’il occupe dans le bâtiment du secrétariat général de la présidence, à deux pas du palais d’Etoudi, sur la colline du même nom. Passé les barrages de sécurité de la direction de la sécurité présidentielle et de la garde présidentielle, il prend la route de l’hôtel Mont-Fébé. Quelques minutes plus tard, après avoir parcouru le chemin menant à l’établissement et à son golf municipal, le voilà attablé devant son déjeuner, en compagnie d’un ami proche.

Le conseiller technique du président Paul Biya peut parfois y croiser des illustres commis de l’État en activité ou à la retraite, qui ont, eux aussi, conservé leurs habitudes dans ce haut lieu de la politique camerounaise. Certains le saluent, mais peu s’autorisent à l’interrompre. Jean-Claude Ayem aime avoir des déjeuners paisibles avant de reprendre la route d’Etoudi et de replonger dans les grands dossiers économiques du pays. Le rituel est immuable et l’homme incontournable. Le président a même « autorisé » ce presque septuagénaire à passer outre l’âge officiel de la retraite, aujourd’hui fixé à 60 ans.

Dans l’entourage du chef de l’État, Jean-Claude Ayem est intouchable. Paul Biya n’a en effet jamais eu le goût des chiffres. Il n’aime guère passer des heures sur des dossiers économiques. « Pour le président, tout est politique. Sur le plan économique, il n’a aucun problème à beaucoup déléguer », confie un habitué du palais. En poste depuis deux décennies, d’abord comme chargé de mission au secrétariat général de la présidence puis comme conseiller technique du chef de l’État, Jean-Claude Ayem a su trouver sa place. Rédacteur de courtes notes – souvent une seule page – qui ravissent Paul Biya, il pilote l’économie du pays, des dossiers d’infrastructures aux orientations stratégiques.

Étudiant « radical »

Plus jeune, l’économiste s’imaginait-il en pilier d’un pouvoir présidentiel quadragénaire ? Jean-Claude Ayem a grandi au sein de la haute administration camerounaise, où son père – décédé récemment – occupait le poste de préfet. À Bafia, la préfecture de la région du Centre, le stade municipal a même été baptisé « Ayem » en l’honneur dudit paternel, fan de football, qui y a semble-t-il laissé de bons souvenirs. L’enceinte porte aujourd’hui encore ce nom. Pourtant, à la sortie de l’adolescence, sur la voie de l’âge adulte, Jean-Claude Ayem a des envies de révolte. Bachelier, il part étudier les sciences économiques en France, à Strasbourg (Est).

En marge des cours qui lui permettront d’obtenir un doctorat en 1986, le voilà surtout qui découvre la politique, au sein de l’Union nationale des étudiants du Kamerun (Unek). En ce début de règne de Paul Biya, on discute de l’instauration du multipartisme et de la façon de solder l’ère Ahmadou Ahidjo. Bénéficiant de la protection de l’éloignement géographique, on y parle sans crainte d’opposition et d’alternance du pouvoir. À Strasbourg, Jean-Claude Ayem est l’un des plus actifs, au côté de l’un de ses camarades, le futur agrégé de droit Adolphe Minkoa She. D’aucuns n’hésitent d’ailleurs pas à le considérer comme un « radical », selon un opposant de l’époque.

En France, Jean-Claude Ayem milite notamment au sein du Manifeste national pour l’instauration de la démocratie (Manidem), mouvement lancé par l’Union des populations du Cameroun (UPC) en 1974. De retour au Cameroun, il poursuit son engagement dans les mêmes rangs, considérés comme l’aile radicale des upécistes. Embauché comme enseignant à la faculté des sciences économiques de Yaoundé, le fils de préfet n’hésite pas à mobiliser politiquement ses étudiants. En 1991, alors que le multipartisme vient à peine d’être instauré, il est ainsi l’un des discrets soutiens des premières manifestations estudiantines du Cameroun.

Le “club de Paris”

Intellectuel critique envers le pouvoir en place, bénéficiant de connexions politiques dans une opposition jugée radicale, l’économiste est alors surveillé, comme d’autres « subversifs », par les Renseignements généraux de Paul Biya, qui remplissent des fiches à son sujet. On décortique ses écrits, analyse ses prises de parole, cartographie ses contacts. Au milieu des années 1990, le professeur n’a pas encore pris ses habitudes au Mont-Fébé. Il fréquente en revanche quasiment quotidiennement, sur les coups de 18 heures, le bar-restaurant Le Challenge, situé sur l’avenue Kennedy, dans le centre de la capitale. Il y refait, sinon le monde, du moins le Cameroun.

Plusieurs universitaires se joignent à lui, presque chaque soir. Adolphe Minkoa She bien sûr, son compagnon de Strasbourg, mais aussi Luc Sindjoun, futur conseiller politique de Paul Biya, Georges Kobou, Emmanuel Douya, ou encore Mathieu Mebenga. Surnommé “Benson”, c’est ce dernier qui donnera à la troupe – que l’on appelle bientôt le “club de Paris” – une coloration politique tout à fait différente. En ce milieu des années 1990, Mathieu Mebenga est en effet le secrétaire particulier d’un homme qui monte à Yaoundé : Jean-Marie Atangana Mebara. Lorsque celui-ci est nommé ministre de l’Enseignement supérieur en 1997, le « club » le suit dans son ascension.

Comme Luc Sindjoun, Jean-Claude Ayem intègre le ministère, d’abord en tant que chargé d’études. “Benson”, Sindjoun et Ayem forme alors la garde rapprochée intellectuelle d’Atangana Mebara. Ils sont ses relais dans le monde intellectuel de l’université. En 2002, lorsque le ministre est appelé à la présidence pour occuper le poste de secrétaire général, ils suivent donc également rapidement le mouvement vers Etoudi. Jean-Claude Ayem y devient chargé de mission sur les affaires économiques, et ne quittera plus le palais présidentiel. Lorsque Jean-Marie Atangana Mebara quitte les lieux pour devenir ministre des Affaires étrangères au mois de septembre 2006, Ayem reste en poste.

De Mebara à Belinga

« Jean-Claude Ayem s’est très vite rendu indispensable, se souvient l’un de ses amis. Son esprit de synthèse collait bien avec la façon de travailler du président. » En 2008, alors que l’ancien secrétaire général Mebara est rattrapé par l’opération anti-corruption Épervier, son ex-protégé n’est pas atteint par la déflagration. Mieux, l’influence du fils de préfet grandit entre les murs d’Etoudi, alors que Martin Belinga Eboutou – Bulu comme lui – prend les rênes du cabinet civil en 2009. « Ils se sont très vite appréciés. C’est Martin Belinga Eboutou qui va achever de l’imposer dans l’entourage proche du chef de l’État », poursuit notre source.

De 2005 à 2015, Jean-Claude Ayem peut également compter sur l’amitié au palais de l’ancien recteur de la faculté des sciences économiques de Yaoundé, Séraphin Magloire Fouda – chargé des affaires économiques au secrétariat général puis secrétaire général adjoint, il officie aujourd’hui à la primature. Il est encore plus proche de Camille Ekindi, nommé directeur général du Crédit foncier mais ancien de la présidence, où il a conservé de solides connexions. « Ayem n’est pas quelqu’un du sérail, au sens politique du terme. Ses amitiés lui ont néanmoins permis de s’imposer. Sans elles, même s’il est compétent sur ses dossiers, il n’aurait pas obtenu la même influence », confie un proche.

De tous les dossiers

Ces dernières années, Jean-Claude Ayem ferait quasiment figure de super-ministre de l’Économie et des Finances, faisant de l’ombre à des personnalités comme Louis-Paul Motaze ou Alamine Ousmane Mey, qui se trouvent parfois réduits à appliquer – sur instructions du chef de l’État – des orientations qu’il a décidées. Depuis le secrétariat général, il a ainsi piloté en sous-main les dossiers de la dernière Coupe d’Afrique des nations (CAN) et du Covid-19. Il a aussi été appelé à la rescousse pour administrer des entreprises publiques en tant que président du conseil (la compagnie aérienne Camair-Co et la centrale hydroélectrique de Nachtigal) ou « simple » membre (la Sonamines ou encore l’opérateur Camtel).

Entorse à son habituelle discrétion, son nom a récemment été cité dans les enquêtes judiciaires entourant la gestion des fonds liées à la gestion de la pandémie de Covid-19. Comme nombre d’autres ministres, il a été entendu par les enquêteurs sans que cela n’augure forcément de poursuites judiciaires à venir. « Nous l’avons entendu comme témoin, en tant que principale autorité technique du dossier depuis le secrétariat général de la présidence », confirme une source proche de l’enquête. L’économiste doit-il craindre de sortir de l’ombre ? « Comme il est un cadre important du secrétariat général, il pâtit forcément du climat délétère autour de Ferdinand Ngoh Ngoh« , juge un proche.

« C’est une tour de contrôle dans le secteur de l’économie et des participations de l’État. Dans les conseils d’administration, il est donc vu comme l’œil de Paul Biya mais aussi de Ferdinand Ngoh Ngoh », analyse un proche d’Etoudi. En poste depuis 2011 en tant que secrétaire général de la présidence, Ngoh Ngoh s’est en effet bien gardé de l’écarter. « Tout puissant soit-il, il a compris qu’il fallait composer avec Ayem et qu’il valait mieux être son allié », sourit un ami de l’économiste. Et d’ajouter : « C’est l’un des hommes en qui Paul Biya a toute confiance. Tant que cela durera, il restera intouchable. » Et le Mont-Fébé conservera son plus fidèle client.

C.I.N

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