L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) annonce l’organisation d’une conférence ministérielle, le 6 mars 2024 à Yaoundé au Cameroun avec ses partenaires, pour accélérer les progrès dans la lutte contre le paludisme dans les pays africains à forte charge de morbidité.
Placée sur le thème “Lutter contre le paludisme dans les pays les plus durement touchés par la maladie”, cette conférence réunira des organismes de financement, des organisations de la société civile et les ministres de la Santé de douze pays les plus touchés par le paludisme, dont onze venus d’Afrique (le Cameroun, le Burkina Faso, le Ghana, le Mali, le Mozambique, le Niger, le Nigeria, l’Ouganda, la République démocratique du Congo, le Soudan et la Tanzanie) et l’Inde. Selon l’OMS, il sera question pour les différents gouvernements d’évaluer les progrès accomplis dans la réduction du fardeau mondial du paludisme ainsi que les défis tels que la résistance aux insecticides et aux médicaments, l’accès inadéquat à des soins de santé de qualité et les limitations de financement.
Cespays représentent les 12 pays au monde les plus touchés par le paludisme, une maladie potentiellement mortelle transmise à l’être humain par les piqûres de certains types de moustique. Selon les données de l’OMS, ces pays sont collectivement responsables de plus de 70 % de l’incidence mondiale du paludisme et de 73 % de la mortalité palustre mondiale. En 2022, environ 166 millions de cas de paludisme et 423 000 décès imputables à la maladie sont survenus dans ces pays, d’après la même source. Or, dans ces pays où les conditions sont très propices à la transmission du paludisme, la riposte est compromise par la faiblesse des systèmes de santé et l’insuffisance des ressources et des infrastructures.
« Cette conférence ministérielle vise à renforcer les engagements politiques et financiers en faveur d’une riposte accélérée contre le paludisme dans les pays concernés, en vue d’atteindre les cibles fixées pour 2030 dans la stratégie », peut-on lire dans la note conceptuelle de l’événement. Adoptée par l’Assemblée mondiale de la santé en mai 2015, la Stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme 2016-2030 (communément appelée la stratégie) vise à réduire d’au moins 90 % le taux de mortalité palustre par rapport à la situation de référence en 2015, réduire d’au moins 90 % l’incidence du paludisme par rapport à la situation de référence en 2015, éliminer le paludisme au moins dans 35 pays où la maladie était endémique en 2015 et prévenir la réapparition de la maladie dans tous les pays exempts de paludisme. Ces cibles sont alignées sur l’objectif 3 de développement durable (Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge) et sur la cible 3.3 des ODD, qui appelle à mettre fin au paludisme et autres maladies transmissibles d’ici 2030.
Données factuelles concernant le paludisme au Cameroun
Le paludisme est la maladie endémique la plus répandue au Cameroun. Cette maladie est essentiellement due au parasite Plasmodium falciparum ; le moustique Anopheles gambiae s.l. en est le principal vecteur de transmission. Le gouvernement camerounais a fait de la lutte contre le paludisme une priorité, notamment dans sa Stratégie nationale pour le secteur de la santé, ainsi qu’à travers l’adoption de l’exercice de stratification « High Burden to High Impact » (D’une charge élevée à un fort impact) dans le Plan stratégique national de lutte contre le paludisme. L’actuel Plan stratégique national (PSN) du Cameroun pour la lutte antipaludique couvre la période 2019-2023 et constitue la cinquième version d’une stratégie nationale.
Le Cameroun fait partie des quinze pays les plus touchés par le paludisme, avec 2,9 % de tous les cas de paludisme et de décès dans le monde et 2,4 % des décès dus au paludisme en 2020 ; cela en fait le troisième pays le plus touché d’Afrique centrale (12,6 % des cas en 2020). Les cas suspects de paludisme ont constitué 30 % des consultations médicales et 21 % des visites dans des établissements de santé ont donné lieu à un diagnostic de paludisme confirmé en laboratoire. D’après les statistiques nationales de 2015, 19 % des décès en établissement de santé étaient imputables au paludisme et 48 % de toutes les admissions à l’hôpital étaient dues à une suspicion de paludisme grave.
Entre 2017 et 2020, le nombre de cas a augmenté de 3,8 %, passant de 250 à 260 pour 1 000 habitants à risque. Durant la même période, le taux de mortalité a légèrement augmenté de 0,8 %, passant de 0,55 à 0,56 pour 1 000 habitants à risque. Moins de 30 % des enfants qui présentaient de la fièvre ont eu un test de dépistage du paludisme. Dans le cadre de l’approche « High Burden to High Impact » (HBHI), une stratification du risque de paludisme a été définie en combinant les taux de prévalence, d’incidence et de mortalité toutes causes confondues. Sur la base de ce critère, les 189 districts sanitaires du pays sont classés en : (i) risque très élevé (21 %) ; ii) risque élevé (31 %) ; iii) risque moyen (27 %) ; et iv) risque faible (21 %). Les districts sanitaires à très haut risque et à haut risque sont répartis dans presque toutes les régions du pays, mais avec une forte concentration dans les régions de l’Est, de l’Adamaoua, du Centre et du Sud. Les districts à risque moyen et faible sont concentrés dans les régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et de l’Ouest.
Le Cameroun est en train de mettre en place les conditions préalables au lancement de la Couverture santé universelle (CSU). Son objectif est de consolider les différents traitements/soins gratuits et subventionnés mis en œuvre dans le pays. La façon dont le paludisme sera intégré à la Phase 1 n’a pas encore été précisée, mais le Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) est impliqué dans le processus d’élaboration de la CSU. Les partenaires de la lutte contre le paludisme espèrent que la CSU améliorera l’accès des services de prise en charge du paludisme et leur qualité pour la population camerounaise.
Il est attendu que les ministres de la Santé des pays concernés signent la « Déclaration de Yaoundé » sur le paludisme, un document dans lequel ils s’engagent à traduire l’engagement politique en actions et en ressources financières, lesquelles permettront « d’inverser les tendances de l’incidence des cas et de mettre fin aux décès imputables au paludisme pour atteindre d’ici à 2030 les cibles relatives au paludisme fixées dans la stratégie », selon l’OMS. L’OMS estime qu’en 2022, un total de 4,1 milliards de dollars ont été mobilisés pour lutter contre le paludisme à l’échelle mondiale, contre un objectif de 7,8 milliards de dollars. La même année, déplore l’OMS, le paludisme a coûté la vie à environ 608.000 personnes en Afrique.