Cameroun-Wilfried Ekanga : « ce n’est pas le MRC qui a chassé Michèle Ndoki »

Wilfried EkangaWilfried Ekanga

Wilfried Ekanga

Michèle Ndoki ne fait plus partie du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC). La militante a été exclue du parti. Cette exclusion a fait réagir son désormais ex-camarade du MRC Wilfried Ekanga.

Dans un texte publié le 15 juillet 2023, le militant du MRC réagit à l’exclusion de Me Michèle Ndoki des rangs de cette formation politique de l’opposition. Wilfried Ekanga pense que son ex-amie politique a chassé le MRC en elle et non l’inverse.

Selon l’analyste politique, laisser sous-entendre que le parti dont on veut prendre la tête est un parti de « vandales et de terroristes » qui renverse des institutions et  « saccage des boutiques » dans la nuit, c’est commettre mille fautes en une seule ». D’une part, la faute du mensonge et du cynisme, d’autre part la faute de l’incohérence. Et enfin, la faute de l’aveu : car en juxtaposant ainsi informations erronées et incohérences notoires, on reconnaît à voix haute que l’on est désormais sorti du champ noble de la critique pour intégrer le champ macabre du *babidisme »*.

En d’autres mots, « ce n’est donc pas le MRC qui a chassé Michèle Ndoki ; c’est Michèle Ndoki qui a chassé le MRC qui vivait en elle. On n’a jamais vu un prêtre musulman, ni un imam catholique. Celui qui intègre une religion nouvelle abandonne de facto la chapelle précédente. Une histoire d’équilibre ».

Camerounactuonline.com vous propose le texte intégral.

Les fiançailles rompues

Qu’est-ce que la résistance ?

Le 26 avril 1989, le studio de production japonais « Toei Animation » dévoilait au monde le tout premier épisode de sa nouvelle pépite : « Dragon Ball Z ». Une série imaginée par le très talentueux dessinateur Akira Toriyama, et qui allait connaître un gigantesque succès planétaire, traversant les générations. On y suit les péripéties de Son Goku le héros, et de ses amis Krilin, Végéta, Bulma, Yamcha et autres. Dans la dernière saison de la série, nos amis se retrouvent dans un vaisseau souterrain, appartenant à un grand sorcier nommé Babidi. Ce dernier a pour ambition de réveiller de son sommeil millénaire un monstre maléfique du nom de Boo, qui lui permettrait de conquérir l’univers.

Mais Babidi n’est pas simplement un être violent. C’est aussi un individu très cynique et très rusé, qui sait scruter attentivement ses adversaires, dans l’espoir de déceler en eux des failles à exploiter. C’est ainsi qu’au cours d’une banale querelle entre Son Goku et Végéta, il observe que ce dernier nourrit encore quelques griefs envers son ami (notamment à cause du fait que Son Goku lui soit toujours supérieur en terme de puissance, d’opinions favorables et d’aura). Le grand sorcier entreprend alors de rallier Vegeta à sa cause, en échange de plus de puissance. Séduit par la perspective de surpasser son rival et de redevenir le prince universel qu’il a toujours prétendu être, Végéta sacrifie ainsi son honneur, ses idéaux et l’amour que lui portait sa famille, et se laisse séduire sans grande résistance, par le pacte diabolique.

À partir de cet instant, entre les deux compagnons d’armes, la rupture est consommée. Végéta ne se préoccupe soudain plus du tout du sort de l’univers en cas de libération de Boo le monstre. Sa seule obsession désormais, son seul souci dorénavant, c’est Son Goku et rien d’autre. Il est plus que jamais persuadé que le succès de son ami est la cause de sa régression à lui, et que celui qui doit disparaître pour que le monde se porte mieux, c’est cet ami de toujours. Le grand sorcier Babidi et sa bande n’ont qu’à détruire la galaxie tout entière, il s’en fiche comme de l’an 40 !

Alors, qu’est-ce que la résistance ?

« Le MRC n’est pas différent du régime » ; « Vraiment, je suis déçu de Kamto » ; « Où est donc la démocratie chez vous ? ». Voilà les délires de clown que l’on peut lire depuis 48 heures, suite à la décision du Directoire national d’écarter « la fiancée du peuple » des rangs du parti dont elle fut l’une des vice-présidentes. Bien évidemment, 99,99% des gens qui distillent ces drôleries en ligne sont des biyayistes convaincus (ou a minima des membres de partis satellites du RDPC, suivez mon regard). En d’autres termes, des gens qui n’ont jamais eu l’intention d’adhérer au MRC, et encore moins de voter pour Maurice Kamto à la présidentielle à venir. Des gens qui, pour rien au monde, ne cesseraient de soutenir Paul Biya, quand bien même celui-ci serait dans un sarcophage glacial. Cela signifie que vous perdez votre temps à essayer de raisonner ces individus. Vous n’avez aucune explication à leur fournir, puisqu’ils ne sont là que vous perdre du temps – et des forces -. Gardez à l’esprit que le MRC ne prend pas ses décisions selon ce que le régime et ses ouailles vont penser de lui. Le MRC prend ses décisions selon ce que l’analyse pragmatique des circonstances recommande.

De la même manière que si votre bras développe une tumeur, vous finirez par la faire opérer et par l’extraire, avant qu’elle ne se métastase en une gangrène qui engage votre pronostic vital.

D’ailleurs, il est évident que ces critiques des gens d’en face (qui souffrent toujours plus que nous sur nos propres choix) cachent (ou plutôt révèlent) en réalité leur dépit d’avoir raté un coup foireux. Le simple fait que les suppôts du régime se montrent si déçus par cette exclusion en règle est la preuve par 9 que c’était la chose à faire ! Exactement comme ils n’ont jamais digéré que nous ne soyons pas allés aux élections législatives et municipales de 2020. Il faut être outrageusement idiot pour penser que votre adversaire se préoccupe un tant soit peu de votre sort, et qu’il est par conséquent très affecté par le fait que vous ayez pris une mauvaise décision. C’est tout l’inverse! S’il se montre si dépité, c’est précisément parce que votre décision était la bonne !

Le rôle exclusivement cosmétique et décoratif des députés d’opposition actuellement présents à l’assemblée nationale nous conforte tous les jours dans l’idée que le boycott était salutaire, et que nous n’avions pas intérêt à tomber dans le piège ficelé pour nous par les hommes de Yaoundé. La meilleure façon de continuer à faire l’actualité et de rester le caillou principal contre le régime, c’était de prouver que la Résistance n’était pas une science électorale, mais une science de l’émulation quotidienne. Car si l’on assassine votre fils comme on a assassiné Samuel Wazizi en 2019, ou si l’on laisse votre femme enceinte mourir comme ils ont laissé mourir Monique Koumatekel en 2016, vous n’avez pas besoin d’être député pour réclamer justice. Et encore moins lorsque vous savez que le régime vous a d’avance réservé quelques sièges pour créer une illusion de pluralisme et raconter au monde que « la démocratie est effective au Cameroun ».

Le tout après vous avoir activement empêché de battre campagne en de nombreux lieux, en alimentant un tribalisme sauvage à coups de « rentrez chez vous ! » encadrés par la police.

Or, c’est précisément ici que la fiancée du peuple a connu son premier chagrin d’amour. Après avoir su garder le tête levée malgré ses jambes perforées par les balles de Biya ce 26 janvier 2019, et après avoir courageusement enduré une quasi année de détention à la prison centrale dont elle se jurait pourtant de « ressortir plus forte », la perspective d’obtenir un siège au parlement apparut dès lors à ses yeux comme la récompense logique à ses souffrances pour l’amour des « Enfants de sa Terre ». Cependant, un détail crucial lui avait échappé : la politique est aussi une science ingrate. Celui qui s’engage dans un combat politique ne doit pas s’attendre à être récompensé, à recevoir des prix, ni même un simple merci. C’est un sacerdoce dans lequel on plonge en étant conscient qu’on ne récoltera peut-être pas les fruits de son engagement. La politique, c’est le don de soi éternel, où l’on accepte de mourir sans avoir vu les résultats de ses efforts, et où l’on accepte que d’autres mangeront là où on a semé. La politique, c’est un couloir anormal fait pour des gens anormaux. Ceux qui n’attendent rien, ne veulent rien, n’espèrent rien. Du moins rien de personnel.

C’est cela la Résistance.

La boucle de l’histoire

Car les gens normaux eux, attendent des récompenses. Or, l’absence de la récompense tant rêvée engendre de la frustration ; c’est une loi mathématique. Exactement comme pour ce cher Vegeta, jamais récompensé malgré ses entraînements et toujours dans l’ombre de son ami Son Goku, et ce qui devait arriver arriva. La frustration fit naître des pensées obscures, qui à leur tour suscitèrent l’intérêt du sorcier Babidi. À trop montrer qu’on est déçu par les choix du groupe, à trop manifester son impatience et à trop laisser entrevoir que l’on poursuit désormais une dynamique de règlement de comptes contre celui qui nous a privé du lot de consolation dont on rêvait, l’on finit donc par inviter son propre sorcier aux gros yeux à venir nous séduire. Et selon le volume de rancœur que l’on traine à l’intérieur de soi, le processus de séduction sera plus ou moins facile.

Car il n’y a rien de nouveau sous le Soleil. L’histoire n’est qu’une boucle sans fin où ce qui s’est passé en 1989, ou en 1889, ou en 1789, se passera en 2089, en 2189, et en 2289.

Du reste, il est absolument permis de critiquer sa propre famille politique, et le MRC ne fait pas exception (comme je l’avais fait moi-même, lors de l’annonce initiale du parti qui laissait entendre qu’il irait aux élections locales). Mais toute critique interne se veut *verticale*, c’est-à-dire orientée vers des propositions que l’on estime meilleures que les choix opérés, tout en restant toujours focalisée sur l’objectif principal, à savoir le camp d’en face. Par contre, une avalanche de critiques *horizontales*, c’est-à-dire celles qui se bornent à fustiger son propre groupe (voire la tête de ce groupe, et ce sans tenir compte du contexte ultra fragile) au point d’en oublier pratiquement le réel ennemi, ce n’est plus un projet constructif, mais une campagne de nuisance.

Le pire ici étant qu’on se nuit davantage à soi-même qu’à autrui. C’est une vraie entreprise d’autodestruction !

Et ce n’est pas Végéta qui me démentira.

En outre, laisser sous-entendre que le parti dont on veut prendre la tête est un parti de vandales et de terroristes qui renverse des institutions et  « saccage des boutiques » dans la nuit, c’est commettre mille fautes en une seule : d’une part, la faute du mensonge et du cynisme (étant donné que c’est à Sangmelima que les biyayistes saccagent, et que la prise des ambassades de 2019 fut une action contestataire menée par des activistes pour protester précisément contre les tirs sauvages qu’elle-même et d’autres avaient reçus dans leur chair), d’autre part la faute de l’incohérence (en raison du fait que les lois de la République interdisent les partis terroristes, et que tout individu censé devrait plutôt réclamer la fermeture d’une telle structure plutôt que de vouloir la présider). Et enfin, la faute de l’aveu : car en juxtaposant ainsi informations erronées et incohérences notoires, on reconnaît à voix haute que l’on est désormais sorti du champ noble de la critique pour intégrer le champ macabre du *babidisme*.

Ce n’est donc pas le MRC qui a chassé Michèle Ndoki ; c’est Michèle Ndoki qui a chassé le MRC qui vivait en elle. On n’a jamais vu un prêtre musulman, ni un imam catholique. Celui qui intègre une religion nouvelle abandonne de facto la chapelle précédente. Une histoire d’équilibre.

En somme – la pratique politique

Dans l’absolu, en politique, votre probité ne doit souffrir d’aucune équivoque. L’on devrait pouvoir deviner tout de suite en vous regardant et en vous écoutant si vous vous sentez encore membre de la famille ou pas. Et même lorsqu’on a des correctifs à apposer aux décisions et actions du groupe, notre posture globale révèle si l’on y (appar)tient toujours ou non. La vérité est dite est toute innocence et en plein jour. En revanche, l’accumulation d’ambiguïtés provoque, par effet contraire, la diminution de crédibilité. Par exemple, si vous prétendez être en exil à Moscou comme Edward Snowden et interdit de séjour chez vous aux Etats-Unis, il serait aussi surprenant que fâcheux si l’on vous rencontrait le lendemain à la Maison Blanche, en session extraordinaire avec Joe Biden dans le Bureau ovale.

Or, ici, la lionne a été surprise en broutant de l’herbe.

Qu’à cela ne tienne, bonne continuation et merci pour ce que vous futes en notre sein. Du reste, tout le monde peut être éjecté du MRC (moi y compris), et tout le monde peut en sortir s’il le désire (moi y compris). L’incompatibilité d’humeur est juridiquement admise comme motif de divorce dans un couple, et la Terre n’arrête pas pour autant sa rotation. J’ai d’ailleurs toujours moi-même clamé que je cesserai de suivre les pas de Maurice Kamto s’il venait à trahir les idéaux pour lesquels il s’est lui-même engagé (par exemple s’il se trompait soudain de cible et se retournait contre le peuple). Et je cesserai de suivre le MRC si ce parti venait à mener pour de vrai des actions terroristes (et je ne chercherai surtout pas à briguer sa présidence ensuite !). Mais surtout, quoiqu’il advienne, je ne ferai jamais du MRC mon obsession principale alors que le Gang de Malfrats de Yaoundé continue de tuer mes concitoyens sans le moindre scrupule (Hier encore, à cause de l’absence d’autoroutes, l’un de nos jeunes compatriotes a perdu la vie, pendant que Biya vadrouille à Genève, au milieu d’immenses autoroutes construites par d’autres).

Car la seule, la vraie pandémie, c’est Paul Pillard. Et le MRC est actuellement le seul espoir, la dernière chance, l’ultime rempart contre ce régime de cannibales. Toute fiancée qui se respecte est censée le comprendre sans fioritures. Dans le cas contraire, ce n’est plus de la politique, mais du Goumin d’adolescent.

Ekanga Ekanga Claude Wilfried

(Et on n’a pas le temps pour les enfantillages ; et encore moins lorsque les biyayistes et associés s’en mêlent ! )

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