L’on apprend que le tribunal du district d’Oslo a décidé que le virulent séparatiste arrêté le 25 septembre à Oslo, Norvège, restera en détention jusqu’au 19 novembre 2024.
Le rapport officiel de l’audience du Tribunal du district d’Oslo (Norvège), rendu pulic par SBBC, indique que le leader séparatiste Ayaba Cho Lucas reste en détention préventive pour une durée supplémentaire de quatre semaines. Ce chef de l’Ambazonia Defence Force, mouvement fédérant des milices sécessionnistes dans les régions en crise du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, restera ainsi en détention jusqu’au 19 novembre 2024. Cette prolongation vise à prévenir tout risque de falsification de preuves, apprend-on. Le tribunal a également imposé des restrictions sur le courrier et les visites du prévenu.
Ayaba Cho est accusé d’incitation à des crimes contre l’humanité en vertu du Code pénal norvégien. Le tribunal a estimé qu’il existe des motifs raisonnables de suspicion contre lui, basés sur ses déclarations publiques incitant à des attaques contre ceux perçus comme opposés au mouvement indépendantiste d’Ambazonie. Les déclarations d’Ayaba Cho sont considérées comme une incitation à une « attaque généralisée ou systématique » contre une population civile, y compris des meurtres, des enlèvements et des persécutions. La justice norvégienne s’est appuyée sur des rapports d’Amnesty International et de Human Rights Watch documentant des attaques contre des civils, des enseignants et des étudiants par des séparatistes.
Cho Lucas Yabah pourrait encourir des peines sévères en vertu du Code pénal norvégien, notamment pour incitation à des crimes contre l’humanité. Selon l’article 108 du Code pénal, les peines pour de telles infractions peuvent inclure une peine d’emprisonnement à long terme, pouvant aller jusqu’à 21 ans.
Leader de l’Ambazonia Governing Council et de sa branche armée, l’Ambazonia Defence Forces (ADF), qu’il dirigeait depuis la Norvège, Ayaba Cho Lucas a été arrêté le 24 septembre dernier. Il est le dernier des chefs séparatistes à avoir été mis hors d’état de nuire. Cependant, le mouvement séparatiste n’est pas pour autant détruit, car de nombreuses autres branches subsistent avec d’autres dirigeants à leur tête. « Le mouvement est extrêmement fracturé », explique Raoul Sumo Tayo, expert en défense et sécurité. Selon un rapport conjoint de Global Initiative against Transnational Organized Crime et de l’Armed Conflict Location and Event Data (Acled), pas moins de sept factions coexistent aujourd’hui dans ce mouvement séparatiste.
En plus de l’Ambazonia Governing Council d’Ayaba Cho Lucas, qui contrôle plusieurs milices sur le terrain à travers l’ADF, il existe également l’African People’s Liberation Movement (APLM), dirigé par Ebenezer Dereck Mbongo Akwanga, actuellement basé aux États-Unis. Ce groupe a pour branche armée, le Southern Cameroun Defence Forces, actif dans le département de la Meme, région du Sud-Ouest. Les autres factions sont issues de l’émiettement de l’Interim Government (IG) après l’arrestation de son chef, Sisiku Ayuk Tabe, en février 2018 au Nigeria. Parmi elles, on retrouve l’IG d’Ayuk Tabe, qui contrôle la milice Bui Warriors, ainsi que les IG de Marianta Njomnia, Chris Anu et Samuel Ikome Sako.
50 groupes armés
Ces différents mouvements séparatistes dirigent environ 50 groupuscules armés sur le terrain, selon le même rapport. « Outre la fragmentation des séparatistes, l’augmentation du nombre d’acteurs armés complique encore la résolution du conflit et représente une menace croissante pour la population », peut-on lire dans le document. En effet, entre 2022 et 2023, le nombre d’acteurs actifs dans le conflit a augmenté de 76 %, atteignant un niveau record en 2023, avec 50 groupes armés distincts opérant sur le terrain.
Cette augmentation s’est produite malgré les coups portés au mouvement à travers l’arrestation ou l’élimination physique de certaines figures de proue. Depuis l’arrestation de Sisiku Ayuk Tabe en 2018, plusieurs autres dirigeants ont été neutralisés par l’armée. Parmi eux, des chefs de guerre emblématiques comme Field Marshall, le « général RK » ou encore le « général No Pity », tous tués par les forces gouvernementales.
Éclatement du mouvement
Malgré ces pertes, certains analystes, comme Raoul Sumo Tayo, estiment que les arrestations et les victoires militaires sur le terrain ne suffisent pas à ramener la paix. « L’affaiblissement de la frange politique ne modifie pas la dynamique sur le terrain », note-t-il. Puis il ajoute que « de nombreux jeunes, profitant du chaos ambiant, ont émergé comme de nouveaux dirigeants ».
Pour Mark Bareta, l’un des porte-paroles du mouvement résidant au Royaume-Uni, « l’arrestation d’Ayaba n’impacte pas seulement ce dernier, mais aussi l’esprit et l’essence de notre révolution ». Il souligne que cela ne marquera pas la fin de leur lutte, avant de tenter de remobiliser les troupes. « Cette arrestation nous offre une opportunité cruciale pour réorganiser nos actions. Même si nos adversaires, y compris le Cameroun, essayent de profiter de cette situation pour affaiblir notre mouvement, comme ils l’ont fait lors de la capture de Sissiku et d’autres, nous devons rester concentrés. J’ai la conviction qu’à travers cette épreuve, une nouvelle voie vers la liberté des Ambazoniens émergera », a-t-il déclaré.