Le Conseil de l’Ordre des avocats du Cameroun a décidé de prendre position contre l’arrêté du préfet du Mfoundi, Emmanuel Mariel Djikdent, qui interdit le séjour à tout individu qui appelle au “soulèvement contre les institutions de la République” ou qui les outrage dangereusement dans son territoire. Dans une lettre envoyée au préfet, le bâtonnier Me Mbah Eric Mbah a demandé à ce dernier d’annuler cet arrêté.
Le récent arrêté signé par le préfet du département du Mfoundi, Emmanuel Mariel Djikdent, a déclenché une vague de réactions parmi les acteurs politiques et la population au Cameroun. Publié le 16 juillet dernier, cet arrêté vise à interdire de séjour « pour une durée déterminée » toute personne accusée d’appeler au soulèvement contre les institutions de la République, de proférer des outrages graves envers celles-ci ou celui qui les incarne (en l’occurrence le président Paul Biya) ou de mener des manœuvres susceptibles d’entraîner de « troubles graves à l’ordre public » dans le département du Mfoundi, dont est rattachée Yaoundé, la capitale.
Le Conseil de l’Ordre des avocats du Cameroun demande au préfet du Mfoundi (Yaoundé), Emmanuel Mariel Djikdent, d’annuler l’arrêté sur la restriction de la liberté d’aller et de venir dans son territoire de commandement qu’il a pris cette semaine. « À défaut, le Conseil de l’Ordre envisage de donner au bâtonnier de l’Ordre mandat pour entreprendre en son nom, toutes les actions qu’il juge utiles à la sauvegarde des valeurs républicaines d’unité et d’intégration et redonner au peuple camerounais l’opportunité de vivre dans un pays apaisé », comme on peut le lire dans une lettre adressée justement par le bâtonnier, Me Mbah Eric Mbah (photo) au préfet du Mfoundi, le 17 juillet.
Selon les explications de Me Richard Tamfu, avocat au Barreau du Cameroun, cette correspondance du bâtonnier est en fait un recours gracieux auprès du préfet. Passé un délai légal de trois mois, si Emmanuel Mariel Djikdent maintient son arrêté, le Conseil de l’Ordre va se sentir obligé de saisir le juge administratif pour un recours contentieux. Le préfet sera obligé de présenter ses arguments, le Conseil de l’Ordre aussi. Si jamais cette affaire arrive devant le juge administratif, les avocats peuvent aussi rappeler la jurisprudence en la matière.
vives réactions après la publication de l’arrêté controversé du préfet
L’arrêté signé par le préfet du département du Mfoundi, a déclenché une vague de réactions parmi les acteurs politiques et la population au Cameroun. Dès son annonce, cet arrêté a été vivement critiqué, notamment par l’opposant politique Cabral Libii, arrivé troisième à la présidentielle de 2018, qui a exprimé ses réserves sur les réseaux sociaux. « Ni la loi de 1990 relative au maintien de l’ordre, ni le décret de 2008 fixant les attributions des chefs des circonscriptions administratives (…) ne donnent au préfet le pouvoir d’interdiction de séjour temporaire à un citoyen dans un département du Cameroun. Ce pouvoir n’existe pas même en cas d’état d’urgence », a déclaré sur Facebook le leader du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN), dénonçant une « atteinte grave » à la Constitution camerounaise et appelant au retrait de cet arrêté.
Me Akere Muna a également exprimé son inquiétude depuis Accra, où il participait à un forum international. « Si authentique, ce document est profondément préoccupant pour notre pays. (…) Comment une personne peut-elle prétendre exercer un tel pouvoir, en ignorant la Constitution et les accords internationaux, ternissant la réputation de notre nation ? », a commenté l’avocat sur X.
Les réactions sur les réseaux sociaux ont également été diverses. Certains internautes ont réagi avec ironie, demandant sarcastiquement la liste des documents nécessaires pour obtenir un « visa » pour entrer dans le département du Mfoundi. D’autres ont remis en question la portée et la légalité de cette mesure, doutant de son efficacité réelle pour préserver l’ordre public.