Pourquoi le corps d’Ahmadou Ahidjo n’a jamais été rapatrié au Cameroun

Ahmadou AhidjoAhmadou Ahidjo

Ahmadou Ahidjo

Depuis son décès survenu le 30 novembre 1989 au Sénégal, le premier président du Cameroun gît dans une sépulture « provisoire » aménagée au cimetière dakarois de Yoff. Pourtant, il continue de hanter le Cameroun. C’est l’histoire sans épilogue d’une rupture passionnelle entre deux hommes intransigeants, Ahmadou Ahidjo et Paul Biya, son successeur.

Exilé depuis juillet 1983, Ahamadou Ahidjo aura vécu ses dernières heures à Dakar, après avoir vécu en France. Le 30 novembre 1989, un peu plus de sept ans après avoir renoncé au pouvoir au profit de Paul Biya, il décède dans la capitale sénégalaise. Ce jeudi 30 novembre 1989, Ahmadou Ahidjo passe une journée ordinaire dans sa maison située sur la corniche de Dakar, le long de l’océan Atlantique. Sa femme, Germaine, et Adam Maté, ancien étudiant en médecine et ami de la famille, sont à ses côtés. Ils veillent sur l’ancien président du Cameroun qui, depuis janvier, à la suite d’une chute dans sa salle de bains, souffre d’une paralysie partielle des membres inférieurs et ne peut plus se déplacer seul.

L’ambiance est plutôt morne. À 15 heures, un repas lui est servi. Il s’allonge ensuite, en attendant qu’Adam Maté vienne lui prodiguer ses soins. Sa femme lui demande s’il souhaite qu’on lui redresse le lit. Ahidjo ne répondra jamais : il vient d’être foudroyé par une crise cardiaque. Il est 17 h 30. Quelques heures plus tard, à Yaoundé, un communiqué laconique annonce le décès de l’ancien chef de l’État sur les ondes de la radiotélévision.

Premier président du Cameroun

Peul, né à Nassarao, près de Garoua (nord du Cameroun), en 1922, c’est en 1941 qu’Ahidjo, après deux ans de formation à l’École primaire supérieure de Yaoundé, est recruté à la Poste et affecté à Douala. Entré en politique en 1947, il est élu délégué de la Bénoué à l’Assemblée territoriale. Conseiller de l’Union française en 1953, il consolide sa position en accédant à la présidence de l’Assemblée territoriale en 1956, année où il crée le Mouvement pour l’évolution du Nord-Cameroun. En 1957, le Cameroun devient un État sous tutelle, avec André-Marie Mbida comme Premier ministre et Ahidjo comme vice-Premier ministre.

Pour la France, ce statut doit évoluer vers l’indépendance. Mais elle se trouve devant deux écueils : l’insurrection des nationalistes de l’Union des populations du Cameroun (UPC) depuis décembre 1956 et l’opposition de Mbida à toute idée d’indépendance. Paris ne tergiverse pas, qui décide de mater la rébellion de l’UPC et d’évincer Mbida, qu’il fait remplacer par Ahidjo, considéré comme plus souple. Ce dernier joue le jeu et transforme son groupe parlementaire en parti, l’Union camerounaise (UC), dont l’influence se limite au nord du pays. Le 1er janvier 1960, il proclame l’indépendance du Cameroun, dont il devient, cinq mois plus tard, le premier président.

Une fois au pouvoir, Ahidjo montre clairement sa volonté d’être le seul maître à bord, avec pour unique leitmotiv l’unité nationale. Réunification avec ce qui reste du Cameroun sous tutelle britannique, création d’un parti national grâce au ralliement des autres formations politiques à l’UC, rebaptisée Union nationale camerounaise (UNC), musellement de l’opposition Tels sont ses grands chantiers. Et il les réalise avec une habileté et une fermeté inattendues. Si les libertés individuelles sont sacrifiées, il cherche en revanche à moderniser son pays.

Ahidjo entre dans l’Histoire le 4 novembre 1982, lorsqu’il renonce au pouvoir à l’instar du Sénégalais Léopold Sédar Senghor, deux ans auparavant. Et passe le flambeau à son Premier ministre Paul Biya. Mais il garde la présidence de l’UNC. Biya vit mal cette situation, qui le prive, en quelque sorte, du plein exercice du pouvoir. En mars 1983, Ahidjo propose l’institutionnalisation du parti, pour affirmer sa primauté sur l’État. Biya répond en limogeant du gouvernement des proches de ce dernier, qui quitte le pays en juillet et s’installe en France.

La dépouille toujours pas rapatriée au Cameroun

Un mois plus tard, son successeur annonce la découverte d’un complot qu’aurait instigué Ahidjo. En février 1984, au terme du procès des putschistes, l’ancien président est condamné à mort par contumace. Vivant désormais entre la France et le Sénégal, Ahidjo suit de près l’évolution de son pays. Et entre dans des colères récurrentes à chaque mauvaise nouvelle. Sa santé en pâtit, jusqu’au dénouement fatal. Son corps, inhumé à Dakar, n’a toujours pas été rapatrié au Cameroun, faute d’autorisation.

Le rapatriement de sa dépouille est un sujet récurrent dans le débat public alors que le Cameroun, aujourd’hui fracturé par des conflits ethnolinguistiques, est en quête de réconciliation. Ahmadou Ahidjo – le premier président du pays, qu’il dirigea d’une main de fer pendant vingt-cinq ans – peut-il être transféré au Cameroun ? L’affaire n’est pas si simple d’autant que toute tentative de trouver

D’après l’éditorialiste Henriette Ekwé, Paul Biya, le président de la République du Cameroun craint que la tombe du tout premier président camerounais soit un lieu de pèlerinage et de recueillement.

Ahmadou Ahidjo, le premier président du Cameroun est mort le 30 novembre 1989 à Dakar au Sénégal. Depuis lors il existe un grand débat sur le retour de ses restes dans son pays natal. Paul Biya indique qu’il est du ressort de la famille du défunt d’organiser les obsèques, l’épouse d’Ahidjo explique de son côté que c’est le président de la République qui doit organiser les obsèques officiels de son prédécesseur. Difficile de trancher alors le Débat.

Un véritable jeu de Ping Pong, que tranche Henriette Ekwe, journaliste éditorialiste. Pour celle-ci, « ce qui bloque le retour des restes du président Ahidjo au Cameroun, c’est que le président Biya ne veut pas en faire un lieu de culte et de pèlerinage », expliquait cette dernière le 30 juin 2020 sur les antennes d’Abk, une radio privée émettant depuis Douala au Cameroun.

Paul Biya a toujours dit que pour lui, l’heure était à la réconciliation, pas besoin de remuer le passé. «Il y a eu des événements malheureux, sur lesquels je ne reviendrais pas, en 1984, et l’Assemblée nationale, sur ma proposition, a voté une loi d’amnistie. Ceux qui ont vécu ces tristes événements ont retrouvé leurs droits, il y en a même qui sont au gouvernement. Le problème du rapatriement de la dépouille de l’ancien président, est, selon moi, un problème d’ordre familial», avait soutenu le vieux lion le 30 octobre 2007 sur France 24, une télévision française.

«Je dois dire que le fils de mon prédécesseur est député. Je n’ai pas de problème avec la famille de mon prédécesseur. Ses filles et ses fils vont et viennent et personne ne les a jamais inquiétés. Si la famille de mon prédécesseur décide de faire transférer les restes du président, rapatrier Ahidjo, c’est une décision qui ne dépend que d’eaux. Je n’ai pas d’objection, ni d’observation à faire», poursuivait le numéro un camerounais sur ladite chaîne.

Avec Jeune Afrique

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